Quand j’avais dix ans, dans le milieu des années soixante, l’an 2000 me semblait un amer très lointain et les livres et les revues de bandes dessinées nous en proposaient une vision optimiste. Tous habillés en Paco Rabanne, combinaison métallique ultra souple, nous nous déplacions rapidement dans des véhicules ovoïdes flottant entre deux airs dans un silence que rien ne perturbait…. pour aller acheter des pilules rouges et vertes (fabriquées avec du pétrole ! ) pour le repas du soir… lesquelles pilules permettaient à l’ensemble de l’humanité de manger à sa faim et de vivre en bonne intelligence.
Mais voilà, l’an 2000 est arrivé et ressemblait ni plus ni moins aux années qui l’avaient précédé…
J’ai bien eu une combinaison ultra souple pour aborder l’an 2000, mais elle était bleue et pas métallique du tout, plutôt le genre d’habit que l’on met dans les labos, et je l’ai portée durant un bon mois, de fin 1999 à début février 2000 et ceci presque chaque jour avec en prime un masque sur le visage pour éviter les microbes, des gants de caoutchouc et une odeur tenace de poisson et de pétrole qui me suivait jusque dans mon lit….. bien loin de la vision de l’an 2000 de mon enfance !
J’ai donc passé le cap de l’an 2000 à m’occuper, avec quelques centaines d’autres volontaires, de milliers d’oiseaux arrivés sur nos côtes, maigres et mazoutés pour les plus chanceux et morts pour la grande majorité d’entre eux et tout ceci à cause d’un pétrolier poubelle ayant eu la mauvaise idée de se casser en deux dans le Golfe de Gascogne, déversant sa cargaison noire, nauséabonde et gluante . l’Erika, c’est le nom de ce bateau, restera associé dans ma tête à l’an 2000, ce cap lointain de mon enfance et qui me laisse aujourd’hui amer.
Si je vous parle de ça aujourd’hui, c’est que va s’ouvrir dans quelques jours ( le 12 février 2007 ) le tant attendu « procès de l’Erika » qui tentera de définir les responsabilités des uns et des autres dans ce naufrage (au propre (… eau sale… ) comme au figuré ).
Les compagnies qui s’occupent de ce liquide noirâtre ont réalisé des profits considérables au mépris des plus élémentaires précautions dans le maniement de ce produit si dangereux pour notre environnement. J’espère qu’elles paieront jusqu’au dernier centime les frais qu’elles ont fait supporter à la collectivité, aux associations, qui avec des milliers de bénévoles, se sont battues pour nettoyer les côtes et tenter de sauver quelques oiseaux.
J’avais à l’époque fait un site web qui relatait cette aventure moderne…. il est toujours en ligne.