Sur la touche

Texte écrit à l’occasion de l’exposition « C’est comme ça » en 2011

Je poursuis mon travail sur la touche. La touche, c’est l’écriture du peintre, ce qu’il y a de plus profond dans une peinture et qui se retrouve pourtant aux premières loges, à la surface du tableau. La touche est la seule chose sur laquelle nous n’avons pas prise, elle est là dans chacun de nos gestes de peintre et toute tentative de la changer est vaine, elle est ce que nous avons de plus intime et se retrouve là, dans chacun de nos tableaux.

J’ai donc longtemps cherché une « touche » rêvée qui aurait pu ressembler à celles de quelques peintres admirés ( par exemple, la touche puissante de Richard Heintz qui a marqué mon enfance) mais c’était, bien sûr, vain et idiot. J’ai ensuite cherché à supprimer cette touche trop bavarde, rabotant, gommant cette fine ou moins fine pellicule de matière renfermant tant de moi-même, et c’est maintenant avec ce matériau récupéré, sauvé, que je travaille. La touche, ma touche, est devenue le matériel de base de mon travail.

Touche
Touche

Évidemment, de nos jours, la peinture étant passée de mode, les peintres, rasant les murs, n’osent plus parler de cet élément primordial de la peinture, puisque malgré tout, peinture il-y-a encore.

La peinture est sur la touche, et inversement.

Avec cette touche inerte, morte, mais porteuse de la mémoire des travaux anciens, je compose de nouveaux tableaux, j’écris autre chose… en y mettant…. ma touche bien sûr, que je rabote de nouveau, récoltant ainsi de quoi poursuivre… renaissance !

La cire d’abeille, composant essentiel de la peinture à l’encaustique que je pratique, est idéale pour fixer la touche mais aussi pour la décoller ou la recoller, la chaleur permettant de faire tenir le passé et le neuf ensemble. La cire fut longtemps le moyen le plus pratique pour garder la mémoire ( des formes, des traces, des sons…. )

« Seules les traces font rêver » ( René Char )

Pierre Converset